Ostéogénèse Imparfaite et Rééducation

Qu’est-ce que l’ostéogenèse imparfaite ?

L’ostéogenèse imparfaite, ou maladie « des os de verre », est une affection génétique, caractérisée par une fragilité osseuse et une faible masse osseuse à l’origine de fractures à répétition, survenant à la suite de traumatismes bénins. Cette maladie se manifeste très différemment d’un malade à l’autre : il ne s’agit pas d’une entité unique mais plutôt d’un groupe de maladies. Ceci est d’ailleurs confirmé sur le plan génétique puisque les progrès de la biologie moléculaire ont permis de mettre en évidence des anomalies génétiques variées.

Cette maladie est génétique et héréditaire. Elle est habituellement autosomique dominante avec une transmission de génération en génération.

L’ostéogenèse imparfaite est une maladie rare et l’on compte environ un malade pour 10 000 à 20 000 personnes.
La prévalence de l’affection (nombre de malades dans une population donnée) n’est cependant pas connue avec exactitude.

La maladie touche indifféremment les personnes des deux sexes, quelle que soit leur origine géographique.

L’ostéogenèse imparfaite est liée à une anomalie du collagène I. Le collagène est une protéine entrant dans la constitution du tissu de soutien de l’organisme. Il existe plusieurs types de collagène. Le type I entre plus particulièrement dans la composition de l’os, de la peau, des dents et des ligaments : elle entraîne donc souvent des atteintes en dehors du squelette.

Ci-dessous 3 Podcasts publiés par “RARE à l’écoute”, la chaîne de Podcast dédiée aux maladies rares.

Apparition et manifestations

La maladie se révèle à un âge variable en fonction de sa gravité. Les formes les plus sévères apparaissent durant la vie intra-utérine, alors que les formes bénignes peuvent se manifester uniquement à l’âge adulte. Le plus souvent, cependant, les premières fractures surviennent au moment de l’acquisition de la marche.

Les principales manifestations de l’ostéogenèse imparfaite sont liées à la fragilité osseuse avec des fractures à répétition, survenant à la suite de traumatismes bénins. Ces fractures intéressent les os plats (côtes, vertèbres) mais surtout le corps (diaphyse) des os longs, notamment des membres inférieurs. Les fractures du fémur sont les plus courantes. Ces fractures sont souvent transverses et peu déplacées. Elles consolident dans les mêmes délais que les fractures survenant sur un os normal. Cependant, une consolidation en mauvaise position (cal vicieux) est possible. Certains cals sont trop volumineux (cals hypertrophiques) et on peut alors les confondre avec des tumeurs. La fréquence de ces fractures a tendance à diminuer avec l’âge surtout chez les femmes, grâce à la production d’hormones féminines (oestrogènes), de la puberté à la ménopause.

Les déformations de la colonne vertébrale avec scoliose sont liées à des tassements vertébraux et au défaut de croissance des vertèbres. Elles sont très fréquentes et se combinent avec l’atteinte thoracique pour aggraver l’insuffisance respiratoire.

La petite taille est très fréquente dans l’ostéogenèse imparfaite.

Les déformations crâniennes consistent en un déplacement vers le haut du trou occipital (ouverture à la base du crâne qui laisse passer la moelle épinière) avec des premières vertèbres semblant enfoncées dans la cavité crânienne. On appelle cette déformation « impression basilaire ». Parfois cette déformation est à l’origine de complications se manifestant par des maux de tête (céphalées), des réflexes vifs avec faiblesse des membres inférieurs, ou par une atteinte des nerfs crâniens tel que le trijumeau. Enfin, le visage peut être un peu déformé et avoir un aspect triangulaire avec un petit menton.

D’autres manifestations sont possibles : atteinte de la tunique externe de l’œil (sclérotique) avec un aspect bleuté du blanc de l’œil, surdité (jamais profonde) fréquente à l’âge adulte mais pouvant survenir dès l’âge de dix ans, hyperlaxité ligamentaire, fragilité de la peau et des capillaires (hématomes et saignements de nez surtout chez l’enfant), atteinte dentaire (dentinogenèse imparfaite), anomalies cardio-vasculaires chez l’adulte.

Il n’y a pas de trouble cognitif associé. On note au contraire généralement une compensation intellectuelle en réponse aux limites physiques que les sujets atteints subissent.

Classification

Il faut souligner que la maladie est de sévérité très variable d’un malade à l’autre. Du fait de cette grande variabilité clinique, les médecins ont essayé d’établir une classification des différentes formes de la maladie. La classification de Sillence est la plus utilisée : elle comprend quatre types.

  • Le type I : représente les formes les plus fréquentes. Ce sont des formes modérées où il y a assez peu de fractures et de déformations. Les fractures surviennent habituellement après la naissance. La taille est proche de la normale. Les sclérotiques sont de teinte bleue. La dentinogénèse imparfaite est présente dans le type I A mais absente dans le I B.
  • le type II : représente les formes graves, non compatibles avec la vie (létales). Les fractures sont déjà présentes avant la naissance et le crâne est facilement déformable. Les enfants décèdent habituellement très tôt du fait d’une insuffisance respiratoire.
  • le type III : représente les formes sévères mais non mortelles. Les fractures surviennent précocement et assez souvent avant la naissance ; elles s’accompagnent d’une déformation de la colonne vertébrale (cyphoscoliose) et d’une petite taille. Les sclérotiques sont de couleur variable. Il peut y avoir une dentinogénèse imparfaite.
  • le type IV : est caractérisé par des sclérotiques blanches. Il y a des déformations des os longs, du crâne et des vertèbres (vertèbres aplaties : platyspondylie). La gravité est intermédiaire entre celle du type I et celle du type III. La dentinogénèse imparfaite n’est pas toujours présente.

Les types 1 et 3 sont les plus fréquentes (dominante autosomique), beaucoup d’autres formes sont récessives (bien plus sévères).

Une forme avec cals hypertrophique (Type V) est importante à connaitre. Cette forme est particulièrement douloureuse, la mise en place d’anti-inflammatoire est généralement nécessaire.

Association Vaincre la Maladie des Os de Verre

Cette présentation fait suite à une conférence, organisée à Rouen en Octobre 2023, en partenariat entre L’Association des Kinésithérapeutes Pédiatriques du Territoire Normand, et l’Association Vaincre la Maladie des Os de Verre.

L’Association Vaincre la Maladie des Os de Verre a été créée en 2017, avec pour vocation de lever des fonds pour favoriser la recherche et oeuvrer par différentes méthodes au bien être et à la prise en charge des patients, notamment par la kinésithérapie. Ce n’est pas une association de patients.

L’association devrait relancer prochainement une recherche fondamentale engagée par l’INSERM, interrompue faute de financements. Il s’agit d’une application thérapeutique d’une molécule dont l’objectif est de densifier les os et les empêcher de se déformer.

Un autre projet de recherche clinique est en cours, mené par le Dr Finidori et Dr Pejin, qui consiste a réévaluer les patients opérés depuis de nombreuses années et de complier les données génétiques de ces patients atteints de pathologies associées pour établir un “portrait type” du génotype en fonction des atteintes. Actuellement 27 gênes sont connus pouvant être à l’origine d’une Ostéogénèse Imparfaite. Le premier a été découvert en 1994. Cela permettrait de développer des thérapies ciblées sur les gênes concernés.

Présentation de l’Association par Anne Morand, Présidente de Vaincre la Maladie des Os de Verre

Un partenariat avec la Fondation des Maladies Rares a été mis en place afin de travailler sur le déficit de croissance : 95% des patients sont de petite taille, mais d’autre ont une taille normale malgré 50 fractures. 3 lauréats ont été sélectionnés, la recherche devrait débuter en fin d’année.

La dernière mission de l’Association concerne l’accompagnement des familles ayant un enfant atteint d’OI, qui ont beaucoup de mal à trouver des kinésithérapeutes acceptant de prendre leur enfant en rééducation. Bien souvent, le thérapeute est effrayé à l’idée de “casser” l’enfant. L’association a donc mis en place une formation spécifique à cette maladie pour les différents thérapeutes.

Les hôpitaux de St Maurice assure une formation régulière destinée aux kinésithérapeutes à Paris, et désormais aussi “hors les murs”, en partenariat avec les associations de kinésithérapeutes pédiatriques régionales. Une indemnisation financière de 400€ + frais d’hotel + train pour les participants est prévue par l’AVMOV.

Prise en charge Orthopédique

Présentation réalisée par le Dr Finidori à Rouen en Octobre 2023, conférence organisée par L’AKPTN. Qualité sonore moyenne – écouteurs ou casque préférable.

L’OI est dominée sur le plan vital par le risque des déformations rachidiennes qui, si elles ne sont pas soignées, vont entrainer une insuffisance respiratoire. Si le tronc se déforme les poumons seront comprimés. Il était rare que les patients survivent à 40 ans auparavant, cela à largement changer grâce aux évolutions des techniques chirurgicales.

L’OI est une maladie autoentretenue : une fracture entraine une immobilisation, qui engendre une fonte musculaire, le squelette se déforme, associé à une hyperlaxité fréquente, qui entraine une perte d’amplitude, donc moins de mobilité, ce qui favorisera le risque de fracture.

Le traitement fondamental de l’OI est la kinésithérapie (CF plus bas).

Il y a dans la prise en soin de l’OI tout un aspect psychologique et humain priordial : c’est une maladie douloureuse, qui génère de l’anxiété, une certaine exclusion, des échecs thérapeutiques, qui peut amener un refus des soins et donc de nouvelles factures et douleur.
L’évolution peut pour une même atteinte permettre une vie autonome, ou une dégradation menaçant le pronostic vital.

La prise en charge de la douleur est essentielle, car elle permet de rompre ce cercle vicieux.

De même, il est primordiale d’entretenir la motricité.

La prise en charge orthopédique comporte 3 axes complémentaires :

  • Rééducation
  • Appareillage / Immobilisation
  • Chirurgie des membres et du rachis

Immobilisation

En cas de fracture, qui peut survenir n’importe où et n’importe quand, le patient risque d’être manipulé, parfois sans les précautions nécessaires, par les personnes autour, ou par les pompiers, brancardiers etc.

Il est important d’anticiper cette situation, pour limiter le risque de douleurs. Les patients et leur famille doivent apprendre à réaliser des immobilisations maison avec du carton et du bandage, qui ne sera en aucun cas retiré au cours du transport ou en radiologie. Le kinésithérapeute joue un rôle important ici, d’apprentissage et d’accompagnement des familles.

Il convient d’être très prudent et critique envers l’appareillage thermoformé. Un appareillage n’est pas un sarcophage, il ne doit pas immobiliser excessivement. Une immobilisation doit être courte et légère, permettant de remettre en charge. La priorité de ces patients est le mouvement, et non la surprotection contraignante. Dans ce sens, les attelles de Sarmiento permet de protéger mais de maintenir la charge le plus possible.

Les Cannes anglaises peuvent contribuer à déformer les avant-bras, il est donc nécessaire d’adapter les appuis.

Le traitement chirurgical

Il a pour but

  • de protéger l’os,
  • de favoriser la croissance,
  • d’améliorer la capacité fonctionnelle du patient,
  • et de diminuer les douleurs.

Une fracture chez un patient OI ne doit JAMAIS être traitée par ostéosynthèse segmentaire, ce qui est souvent utilisé chez les patients adultes. Une ostéosyntèse doit protéger tout le segment osseux opéré, d’une épiphyse à l’autre.

Cela consiste à mettre des tuteurs à l’intérieur de l’os. L’intervention se fait dès qu’un os commence à se déformer : le premier est toujours le fémur car la pression du corps y est la plus importante. Il faut donc protéger les fémurs à l’aide d’enclouage téléscopique. Cette intervention permet une protection prolongée dans le temps. Plus la forme de l’OI est sévère moins l’efficacité est bonne car l’enfant bouge davantage. En cas de contrainte le clou va se tordre, l’os va se fracturer mais avec il y aura peu de mobilité dans le foyer de fracture, la douleur sera donc moindre.

Le clou doit être de taille adaptée : un clou trop gros entrainera une résorption osseuse (diminution de la masse) délétère. Le matériel utilisé doit absolument être pédiatrique, et adapté à la taille de l’enfant.

Les broches entraines moins de résorption osseuse, permettent en même temps une protection et la croissance.

En fin de croissance, les gros clous sont retirés pour limiter la résorption osseuse, remplacés par des broches associées à des allogreffes le long de l’os afin de le consolider au mieux, avec un cerclage. C’est à la fois un matériel d’ostéosynthèse et une augmentation du capital osseux.

Quand le canal médullaire est trop petit, un clou, ou une ou deux broches peuvent passer en extradiaphysaire. La fermeture du périoste va englober la matériel dans une ossification secondaire sous-périostée. C’est l’embrochages sous-périostés extra diaphysaires.

L’embrochage est également utilisé sur le tibia, l’humérus ou les avant-bras. Les déformations du bassin sont fréquente mais mal maitrisées actuellement. Le col du fémur se casse également facilement.

Le rachis est le problème principal. Dans les formes sévères les déformations sont importantes. Elles sont évolutives même en fin de corissance. Les corsets sont utilisables dans les formes peu sévère. Les biphosphonates améliorent la croissance des vertèbres, mais n’évitent pas les déformations.

Les arthrodèses sont donc largement utilisées, même dans les formes sévères.

Les patients sont souvent orientés en chirurgie du rachis trop tardivement, pour “attendre la maturation osseuse” ce qui n’est pas justifié. En réalité le facteur principal est la croissance du tronc. Pour mettre en place une arthrodèse cette croissance doit être terminée, il suffit pour cela de mesurer le tronc en consultation, et d’en observer l’évolution. Le kinésithérapeute a un rôle majeur dans le suivi et l’orientation des patients vers les chirurgiens. Le tronc a ensuite tendance à se tasser sous l’effet des déformations, il faut donc réagir au bon moment.

De la même manière pour les fonctions respiratoires, la chirurgie est indiquée quand le volume n’augmente plus.

Dans les formes sévère ce “bon timing” peut intervenir à 10 ans, dans les formes moins sévères vers 12-13 ans. Une opération à 17-18 ans est trop tardive.

Avant la chirurgie du rachis, une phase de rééducation préopératoire en SSR est nécessaire avec mise en traction pour “déplisser” le rachis.

La mise en place d’arthrodèse permet :

  • Une nette correction angulaire
  • Une protection des fonctions respiratoires (VC +20%)
  • Une autonomie améliorée
  • Une réduction du déséquilibre du tronc
  • Une amélioration de l’aspect physique
  • Un gain de taille de 6cm en moyenne
  •  La mortalité est nulle

Kinésithérapie

L’objectif premier de la kinésithérapie est d’entretenir les capacités motrices et la verticalité. Il s’agit du traitement fondamental de l’Ostéogénèse Imparfaite, avec pour objectifs :

  • maintenir la qualité musculaire
  • entretenir la verticalisation (éviter les rétractions de la station assise en fauteuil)
  • favoriser les volumes respiratoires
  • Accompagner et conseiller la famille

Moyens rééducatifs :

  • mobilisation
  • Relaxateur de pression et kinésithérapie respiratoire
  • Autorééducation
  • Balnéothérapie (favorable +++)
  • Des séjours en SSR sont régulièrement nécessaires, pour une remise en condition physique, en période pré-chirurgicale notamment avant chirurgie du rachis, ou en post-opératoire

La grande problématique réside dans le comportement et l’hygiène de vie des patients et de leurs familles, qui ont tendance à surprotéger le patient, à limiter la motricité par peur d’une fracture. Or, il est préférable que l’enfant soit actif et “se casse”, plutôt qu’il ne bouge pas du tout. Un enfant qui bouge aura finalement moins de fracture que celui qui ne bouge pas…

C’est ici que la kinésithérapie intervient de manière essentielle : il est primordial que les enfants atteint d’OI maintienne une qualité musculaire suffisante pour réduire au mieux le risque de fracture. Les contraintes appliquées doivent être adaptées, et sont essentiellement fonction du ressenti du patient. Certains patients peuvent réaliser un véritable programme de Préparation Physique.

Il est important de noter que si le risque de fracture est présent, tout mouvement n’entrainera pas forcément une fracture. Le kinésithérapeute doit donc se « détacher » de ce risque.

« Mieux vaut 25 bonnes fractures que 200 mauvaises ».

Les patients OI sont hyperlaxes, ce qui complique l’objectif rééducatif de stabilisation articulaire. La mise en place de protection, par des attelles, est parfois nécessaire.

On différencie 2 types de rééducation :

  • En centre : en pré-opératoire, en post-opératoire, ou pour une remise en forme ponctuelle.
  • En libéral : il y a une alternance de périodes aigües, de phases d’immobilisation (il y a alors maintien de la rééducation des autres membres, des fonctions respiratoires…), avec un entretien « psychologique » pour éviter la perte de motivation. Il est primordial de définir les modalités d’une activité physique adaptée (intensité, rythme, contenu, outil de suivi), conseiller, orienter ou diriger une pratique sportive adaptée.

Il n’y a pas de protocole type de rééducation, le contenu doit être co-construit avec les patients, en faisant preuve d’imagination, de recherche, en tenant compte de la fragilité du patient, selon les opérations déjà effectuées ou non. La charge est augmentée progressivement. Certains patients peuvent réaliser de véritables séances de préparation physique.

Les patients sont ceux qui connaissent le mieux leurs propres fragilités, leurs possibilités et leurs limites. Cette limite est fine, il est important de définir les risques avec le patient, et son niveau d’acceptation.

Centre de référence des maladies osseuses constitutionnelles (MOC)

OSCAR filière maladies rares

Association de l’Ostéogénèse Imparfaite (Association de patients)

Association Vaincre la Maladie des Os de Verre

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